Lyokophile à vie
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Inscription: 06 Juil 2006, 14:19
Localisation: Le coeur au bout d'une plume, les mains sur une feuille vierge
Amour et sacrifice
Je ne sais pas si je peux vous le dire. C’est si loin dans ma mémoire. Cinq ans ? Quinze ? Non beaucoup plus. C’est une partie de ma vie que j’ai oublié, renié. Je ne sais même plus trop pourquoi. Peut-être à cause d’elle. C’est vrai qu’elle était belle.
Trop belle. Son visage, ses yeux, sa bouche. Tout en elle me faisait frémir. Je crois bien que je l’ai aimée. Je ne sais plus.
Vous devez vous demandez de qui je parle. A vrai dire les images sont floues, très floues. Je n’arrive pas à distinguer les
couleurs ni les formes. C’était une période difficile, il y a si longtemps. Quand j’y repense je ne peux m’empêcher de penser
à lui. Tout est de sa faute. Mais il est temps de lever le voile sur celui qui me la prit.
Je crois que j’avais 13 ans quand tout à commencer. Mes parents venaient de mourir dans un accident de voiture.
On m’a donc envoyé chez mes grands parents, dans le nord de la France. Mais après un mois de vacances, ils n’arrivaient
toujours pas à me faire sortir de ma coquille. L’accident, je l’avais vécu. J’ai vu le camion prendre feu, mon père essayant
de l’éviter et ma mère qui hurlait. Puis il y eu le choc. Je ne sais pas pourquoi j’ai survécu. Mais la dernière image que j’ai
eue d’eux était celle là. Je me suis renfermé sur moi-même. Je refusait de parler à qui que ce soit. Toute la journée je restais
dans ma chambre.
Un soir, j’entendis ma grand-mère parler de mon attitude au psychologue. Elle ne voulait plus de moi. Elle ne supportait plus mes crises. Etrangement, le psy lui proposa de m’envoyer dans un internat, avec des enfants “normaux”. Et c’est ainsi que je me suis
retrouvé devant les portes du collège Kadic un matin de septembre.
J’étais à coté de mon grand père. Les enfants allaient dans la cour. Ils se racontaient leurs vacances d’été. Moi, je les observais
comme s’ils étaient des animaux en cage.
- Yseult, je te laisse là. Tu dois aller dans la cour et tu attends. Je reviens te chercher vendredi soir, me dit mon grand père.
Je le regardais dans les yeux. Je voyais bien qu’il y avait de la tristesse. Il me déposa un baiser sur le front et repartit à
sa voiture. J’étais seul, avec ma valise et mes peurs. Je ne voulais pas aller dans cette école. Je me mis à marcher
lentement, la tête baissée. Tous les autres élèves discutaient entre eux. Personne ne me remarquait. Je m’assis sur
un banc, dans un coin et attendit. Une demi heure plus tard le directeur arriva. Il nous fit un discours idiot puis commença
à faire l’appel. Il commença par les filles. Elles étaient toute seule ou deux par chambre. A l’appel d’une fille, l’énoncé de son
nom me fit sursauter. Je levais la tête pour mieux la voir. Elle était très belle. Puis elle disparut dans l’internat comme les autres.
Vint le tour des garçons. J’étais en train de prier pour être seul quand j’entendis mon nom. Je me levais et allais vers les autres.
Tous les yeux étaient rivés sur moi. Par chance, mon vœu fut exaucé. Je me retrouvais donc dans la chambre au fond du couloir.
Je posais ma valise et ouvris la fenêtre. Un air frais vint me caresser la peau. J’enjambais le rebord et m’assis. Depuis tout
petit la hauteur m’attirait. Je restais là toute la matinée.
Il était près de 11h quand on toqua à ma porte.
- Oui ? Demandais je.
- C’est le surveillant, Jim, dit une grosse voix.
La porte s’ouvrit sur la fenêtre grande ouverte et moi face au vide.
- Yseult Jilin ! Revenez dans votre chambre immédiatement !
Je me retournais et enjambais la fenêtre. Devant moi, Jim haletait. Je le fixais attendant une punition. Mais au lieu de ça, il
s’approcha de moi et posa sa main dans mes cheveux qu’il ébouriffa. Puis il ouvrit ma valise et commença à ranger mes affaires.
Je me moquais bien de ce qu’il pouvait faire. Je voulais juste regarder le ciel. Je n’arrêtais pas de penser à cette fille.
Son nom résonnait dans ma tête.
Après avoir fini de ranger, il m’emmena au self et m’expliqua le fonctionnement. Je suivais les autres élèves et
pris ce qu’on me donnait. Puis il me plaça à une table avec d’autres élèves de ma classe. Ils me regardèrent puis
commencèrent à me questionner. Mais j’étais bien trop occupé à la regarder. Elle était en train de rire. Ce sourire m’était
familier. Je passai tout le repas à l’observer. Je ne sais pas pourquoi, mais une envie irrésistible de lui parler me brûlais
les lèvres. Dans la cour, j’étais assis sur un banc et je l’observais. Cette envie devenait de plus en plus forte. Je me mis à
avancer vers elle. Elle se retourna, avec ce même sourire. En le voyant, mon cœur s’accéléra. J’étais paralysé. Nos regards se
croisèrent et c’est alors que je la vis, entourée de ses amis, dans des tenues étranges. Face à eux, se trouvaient une autre
jeune fille et une énorme masse noire.
Prier pour que nos traîtrises soient oubliées.
Lutter contre ces souvenirs de démons.
Pleurer dans mes mains et saigner en pensant toujours à toi.
Mon homme, je suis ton ange.
Mon démon, je suis ton homme.