par Flammèche » 08 Juin 2007, 15:40
Bien ! Maintenant que mes partiels sont terminés, et que j'ai eu un peu de temps pour moi, voici la suite et fin du deuxième chapitre de mes chroniques.
J'espère qu'il vous a autant plu que le premier.
À bientôt pour le troisième chapitre !
Bonne lecture
La chambre semblait se refermer sur lui. Il suffoquait. Il entendait des rugissements, sentait la panique dans la pièce, et n'arrivait pas à se ressaisir. Si seulement il pouvait se reposer...
- Ulrich, Ulrich, écoute-nous. Écoute-nous. Ulrich, ne dors pas. Elle a besoin de toi.
Les voix résonnant dans sa tête ne lui étaient pas familières. Elles était graves, insistantes, et ils ne les entendait pas avec ses oreilles.
- Tu ne peux pas encore dormir, Ulrich. Nous sommes avec toi. Ne l'abandonne pas. Ulrich, il faut vivre !
Bien sûr qu'il voulait vivre. Quelles sottes, ces voix. Il était fatigué, c'est tout. Il voulait dormir.
- Ulrich, ne la laisse pas. Ne pars pas. Si tu pars, elle partira aussi.
Les voix ne parlaient pas fort, mais elles retenaient son esprit, l'empêchant de s'en aller.
- Qui me harcèle dans ma tête ? dit-il dans un souffle. Ils ne veulent pas me laisser en paix. Dites-leur, Aramis. Je suis si fatigué...
- Accroche-toi, au lieu de geindre ! répliqua sèchement la Sentinelle. Fais-le au moins pour Yumi, qu'elle ne soit pas partie à l'autre bout du monde pour rien !
Ils avaient raison. Comment a-t-il pu être aussi égoïste ? Furieux contre lui-même, Ulrich se raccrocha à ce qui lui restait de volonté et se força à rester éveillé. Au bout d'un instant, quelque chose parut se briser en lui. Sa douleur ! Elle se calmait ! Soulagé, il soupira. Il pouvait de nouveau respirer sans problème. Mais jamais il ne s'était sentit si faible.
- Les attaques répétées de XANA ont trop fatigué ton cœur. Aujourd'hui, c'était la goutte d'eau qui a fait déborder le vase. Maintenant, essaie de te reposer.
- Alors, dites-leur de s'taire et d'me laisser tranquille !
Aramis sourit. "S'il se met à râler, c'est que ça va mieux" pensa-t-elle.
- Maintenant, tu vas rester. Nous pouvons te laisser dormir. Mais nous serons avec toi. Nous veillerons.
Lorsque Yumi rouvrit les yeux, elle fut surprise de se sentir aussi fatiguée que si elle avait passé plusieurs nuits blanches. Ellou était à côté d'elle, piétinant furieusement le sol comme un taureau. En se redressant sur les coudes, elle découvrit qu'elles étaient encerclées par une meute de loups. Ils étaient si proches qu'elle pouvait voir, malgré la faible luminosité, leurs langues rouges passer sur leurs babines dégoulinantes de bave, et les côtes qui saillaient sur leurs flancs. Pour le moment, ils n'attaquaient pas, le talisman les en dissuadait. Mais Yumi savait que, tôt ou tard, la faim l'emportera sur la peur.
Elle essaya de se lever, mais fut saisie de vertiges et s'effondra dans la neige. Les loups s'agitèrent. Yumi lutta contre le sommeil qui montait en elle. Elle finit par y sombrer malgré elle.
Elle se réveilla une première fois. Les loups avaient disparu. Ellou était tout près d'elle, frottant son nez contre son visage.
- On me ramène à Luskan, dit la jument. Toi seule va continuer.
Yumi sentit de petits bras la soulever avec délicatesse et l'installer sur quelque chose d'assez inconfortable. Puis l'air se mit à vibrer autour d'elle, comme brassé avec force. Avant de se rendormir, elle entendit le hurlement de chasse de la meute dépitée, affamée, qui partait à la recherche d'une nouvelle proie.
À son deuxième réveil, la première chose qu'elle vit fut les gracieuses ondulations célestes de l'aurore boréale. Ce spectacle la ravigora, mais elle ne comprit pas tout de suite ce qui s'était passé. En se relevant, elle réalisa qu'elle n'était plus dans la plaine enneigée, mais au sommet d'une colline entourée d'immenses montagnes aux cimes déchiquetées, face à un jardin clos de murs. Des branches dépassaient, et les feuilles s'irisaient de nuances vert, bleu et rose suivant les soubresauts de l'arc-en-ciel de nuit.
- Cet endroit ressemble beaucoup à celui que j'ai vu dans mes visions.
Un bruit sourd retentit dans son dos. Yumi fit aussitôt volte-face et, d'un geste vif, dégaina son épée et pressa le tranchant de sa lame contre la gorge de l'intrus. Elle lâcha une exclamation en voyant qu'elle menaçait... Skandranon. Elle rengaina immédiatement son arme.
- Tu m'as fait peur, lui dit-elle en le grattant derrière l'oreille. C'est pas sympa.
Le griffon roucoulait de plaisir. Puis il s'écarta lentement, comme à regret, et saisit délicatement le poignet de la japonaise pour l'entraîner vers le jardin. Ils firent presque tout le tour du mur avant de se retrouver devant de hautes grilles en or qui s'ouvrirent d'elles même, pivotant sans bruit sur leurs gonds. Une grande fontaine lumineuse, dont l'eau coulait avec un doux bruissement, se dressait au milieu du jardin. La lumière qui en émanait, combinée avec celle de l'aurore boréale, donnait à ce lieu un air enchanteur. À droite de la fontaine, posé sur le sol, se tenait un immense aigle doré à tête blanche. Un disque jaune-orangé et un Uraeus ornaient le haut de son crâne.
- Soit la bienvenue dans le jardin d'Héliopolis, Yumi Ishiyama. Je t'attendais.
"Cette voix... C'est celle que j'ai entendu pendant l'épreuve du Feu !"
- Qui... qui êtes-vous ?
- Je suis Râ, le dieu du soleil, répondit l'Aigle. Il était temps que tu arrives, belle enfant. Ton aimé est trop affaiblit pour survivre à une nouvelle attaque de l'Entité, et mon Isis n'a plus assez de forces pour la repousser.
- Isis ?
- Ma fille. La jeune femme que tu as libéré de l'Entité.
Sur ce, il prit dans son bec deux petites fioles et vint les déposer dans les mains de la jeune fille abasourdie.
- La fiole scellée à la cire rouge est pour ma fille. L'autre est pour le garçon. Maintenant hâte-toi, car si son cœur s'arrête, le tient fera de même.
- Que... quoi ?
- Vos sentiments ont fait fusionner vos cœurs. L'un ne peut battre sans l'autre, comprends-tu ce que cela implique ?
Yumi leva les yeux vers le dieu, une expression horrifiée sur le visage. Craignant de réagir trop tard, elle courut vers Skandranon.
- À Luskan !
Sitôt que Yumi l'eut enfourché, le griffon décolla et fila vers le Sud. Ils passèrent un étroit défilé, puis débouchèrent sur une vaste vallée entourée de montagnes, composée de nombreux geysers et de sources chaudes. Un grand lac arborant les couleurs de l'arc-en-ciel trônait fièrement à la sortie du goulet.
Skandranon vola à un rythme d'enfer durant cinq jours, sans se poser une seule fois. Yumi, quant à elle, essayait de mettre de l'ordre dans son esprit chamboulé.
Le matin du sixième jour, ils avaient atteint la ville de Luskan. Skandranon descendit en un long vol plané, et atterrit au petit galop dans la grande cour. Yumi sauta aussitôt de son dos et fila vers le château, serrant les fioles contre elle, puis entra dans la chambre d'Ulrich. Il était resté tel qu'elle l'avait vu avant de partir, si ce n'est son visage plus pâle et émacié que d'ordinaire ; il tenait dans une main l'un de ses évantails. La Sentinelle, affalée dans un fauteuil, lui fit signe d'approcher.
- Yumi... murmura Ulrich.
Entendre sa voix si faible brisa le cœur de la jeune fille. Il semblait à l'article de la mort. Essayant de retenir ses larmes, Yumi déboucha l'une des fioles, aspira quelques gorgées et les laissa couler dans la gorge du jeune homme. À peine eut-elle détaché ses lèvres de celles d'Ulrich qu'elle le vit sourire et laisser retomber sa tête sur l'oreiller. Il sombra aussitôt dans un profond sommeil, sans l'aide des sédatifs dont il dépendait tant.
Sur Terre, XANA hurla de rage lorsqu'il comprit que sa proie venait de lui échapper. Les possédés et les monstres, terrifiés, se cachèrent, espérant que la fureur de leur maître sera brève.
Yumi tendit la deuxième fiole à la Sentinelle qui la vida d'un trait.
- Vous me devez quelques explications... déesse Isis.
- Je sais... soupira l'interpellée. Puisque tu connais la vérité, je vais tout te raconter. Il y a longtemps, alors que je passais par la Vallée-d'entre-les-mondes, j'ai vu une nouvelle mare se créer. En y entrant, je me suis retrouvée sur Lyoko. Je découvrit vite qu'il était relié à un autre, et c'est là que je fis la connaissance de Franz Hopper et de sa fille, Aélita. Mais au fil du temps, je sentais qu'une entité malveillante se développait au sein du monde virtuel. Je voulais en parler à Franz, mais il avait disparu avec Aélita. C'est en voulant les retrouver que je suis tombée dans un piège. XANA me vola une part considérable de mon énergie et m'enferma avec mon griffon dans la mer numérique. Mon père et mon fils eurent vent de ma situation, mais ne pouvant intervenir eux-même, ils amenèrent dans la prison des sources élémentaires. Hélas, XANA veillait... Tandis qu'il était occupé à tendre des pièges, avec le peu de force qu'il me restait, j'ai éteint le supercalculateur. Pendant longtemps, j'ai empêché XANA de le rebrancher, mais à chacune de ses tentatives, je m'affaiblissais davantage. Et lorsque Jérémie le ralluma, je ne pouvais plus rien faire...
Un lourd silence chargé de remords plana un moment dans la pièce. Yumi comprenait ce que devait ressentir la déesse, mais l'atmosphère la mettait mal à l'aise. Elle décida donc de changer de sujet.
- Et Jérémie, Aélita et Odd, vous les avez retrouvé ?
- Bien sûr. Ils t'attendent dans le salon, au rez-de-chaussé.
Yumi sortit de la chambre, non sans avoir au préalable promis à Ulrich de revenir. À peine eut-elle ouvert la porte de la pièce, qu'elle entendit une voix féminine crier son nom, puis une tornade aux cheveux rose se jeta dans ses bras.
- Doucement, Aélita !
- Désolée !
- Salut Yumi, dit Jérémie. Content de voir que t'es entière. Et Ulrich, il va bien ?
- Il faut attendre, répondit la japonaise.
- Hello princesse ! lança Odd d'une voix enjouée. Alors, tu t'es bien balladée ? Tu nous raconte ?
- À condition que vous me racontiez d'abord votre histoire, rétorqua Yumi en souriant.
Ce fut Odd qui eut ce privilège, et Jérémie trouva qu'il en rajoutait un peu trop à propos de sa participation sur Terre au test du vaccin. Il rougit d'embarra en voyant Yumi se tourner vers lui et dire :
- Mais qu'est-ce qui t'as pris ? Tu sais bien que c'est pas ton truc, le terrain !
- Je te rassure tout d'suite, je n'y suis allé qu'une fois !
- Faut dire que la graine de génie ne servait pas à grand-chose : elle ratait un possédé à trois mètres dans un couloir !
- Ooooodd... fit Jérémie, menaçant.
- Ben quoi... j'dis c'qui est !
Cette réflexion lui valut un gros coussin en pleine figure.
- À ton tour Yumi, dit Jérémie en se frottant les mains. Je crois que l'amuseur public a une extinction de voix.
Yumi, qui avait beaucoup de mal à se retenir de rire, raconta son voyage et ce qu'elle a découvert au sujet de la Sentinelle. Quand elle eut fini, ses amis la fixaient avec des yeux éffarés.
- Alors... cette femme que papa avait rencontré après la disparition de maman... souffla Aélita, c'était une... déesse...
- Je comprends pourquoi XANA avait mis ce sixième territoire sous haute protection, dit Jérémie. Il a dû en baver avant de réussir à la vaincre.
- Pour une fois que c'est lui qui en a vu des vertes et des pas mûres..., rétorqua Odd.
Une semaine plus tard, il ne faisait plus de doute qu'Ulrich allait de mieux en mieux. Deux semaines passèrent et il put se lever, mais aussi maladroitement qu'un bébé qui tente de faire ses premiers pas. Ankylosées par une trop longue immobilité, ses jambes refusaient de le porter.
- Il est encore très faible, dit Isis. Il vaudrait mieux qu'il réapprenne à marcher à l'extérieur, qu'il ne se blesse pas.
Ulrich fit donc ses premiers pas dans les jardins du château. Il marcha jusqu'à un bosquet de noisetiers, soutenu par la déesse, et porté par les regards de ses amis. Mais la fatigue eut raison de lui. Il s'assit contre un arbre, haletant, les jambes molles, la tête bourdonnante.
- Tu as bien marché, aujourd'hui, lui dit Yumi en s'installant à ses côtés.
Il tourna la tête vers elle, surpris par le ton si tendre de sa voix. La jeune fille échangea un bref regard avec la déesse ; cette dernière emmena Jérémie, Odd et Aélita ailleurs. Puis Yumi se blottit dans les bras du jeune homme, le visage enfouit dans son cou. Ulrich, dépassé par les évènements, ne savait pas comment réagir.
- Heu... Yumi...
La japonaise se détacha lentement de lui, et plongea son regard dans le sien.
- Chut... souffla-t-elle.
Du bout des doigts, elle effleura les lèvres du garçon ; à son regard, elle comprit qu'il devinait son intention. Elle se rapprocha un peu plus et posa ses mains sur ses épaules ; Ulrich ne bronchait pas, se contentant de la regarder intensément. Elle ferma les yeux, puis l'embrassa. C'est alors qu'elle sentit les bras du jeune homme s'enrouler dans son dos et la serrer contre lui.
- Je croyais qu'on était copain et puis c'est tout, murmura Ulrich.
- Y'a que les idiots qui ne changent pas d'avis, dit Yumi à voix basse. Je crois que j'ai fait une grosse bêtise en cachant mes sentiments. Si j'avais été plus démonstrative...
- Je suis aussi fautif que toi...
Ils échangèrent un regard, puis s'embrassèrent à nouveau, éperdument.
Juchée sur son griffon noir, dans la grande cour, Isis s'apprêtait à partir. Pikadias, intrigué, sortit des écuries.
- Où tu vas ? demanda-t-il.
- Dire aux Maîtres qu'ils ont fini d'attendre.
Skandranon s'élança. Arrivé à l'autre bout de la cour, il sauta sur le parapet et se propulsa dans les airs.
Sur Terre, dans un sombre couloir, un adolescent avançait d'un pas énergique. Les cheveux noirs, l'allure rebelle, aucun doute possible quant à son identité : c'était William Dunbar. Arrivé devant une gigantesque porte, il toqua puis attendit. La porte pivota sans bruit sur ses gonds, dévoilant une pièce aussi sombre que le couloir ; au centre se tenait une silhouette humaine, faite d'une étrange matière bleue ondulante, et encadrée de deux tarentules.
- Où en sont les travaux ? demanda-t-elle.
Sa voix, numérique, avec une intonation féminine, pouvait mettre n'importe qui mal à l'aise ; et William n'y échappait pas. Il déglutit avant de répondre :
- Les esclaves en sont aux finitions, maître. Dans trois ou quatre jours, tout sera terminé.
- Parfait. Tu sais ce qu'il te reste à faire ?
- Oui, maître, et je ne reviendrai pas sans.
- En même temps, retrouve Ulrich, et ramène-le moi. De préférence vivant, mais peu importe l'état.
- Avec joie, maître.
William s'inclina bien bas et sortit.
À suivre.....
note de l'auteur : les filiations des dieux ont été volontairement modifiées pour mieux coller à l'histoire.
Bien ! Maintenant que mes partiels sont terminés, et que j'ai eu un peu de temps pour moi, voici la suite et fin du deuxième chapitre de mes chroniques.
J'espère qu'il vous a autant plu que le premier.
À bientôt pour le troisième chapitre !
Bonne lecture
La chambre semblait se refermer sur lui. Il suffoquait. Il entendait des rugissements, sentait la panique dans la pièce, et n'arrivait pas à se ressaisir. Si seulement il pouvait se reposer...
- [i]Ulrich, Ulrich, écoute-nous. Écoute-nous. Ulrich, ne dors pas. Elle a besoin de toi.[/i]
Les voix résonnant dans sa tête ne lui étaient pas familières. Elles était graves, insistantes, et ils ne les entendait pas avec ses oreilles.
- [i]Tu ne peux pas encore dormir, Ulrich. Nous sommes avec toi. Ne l'abandonne pas. Ulrich, il faut vivre ![/i]
Bien sûr qu'il voulait vivre. Quelles sottes, ces voix. Il était fatigué, c'est tout. Il voulait dormir.
- [i]Ulrich, ne la laisse pas. Ne pars pas. Si tu pars, elle partira aussi.[/i]
Les voix ne parlaient pas fort, mais elles retenaient son esprit, l'empêchant de s'en aller.
- Qui me harcèle dans ma tête ? dit-il dans un souffle. Ils ne veulent pas me laisser en paix. Dites-leur, Aramis. Je suis si fatigué...
- Accroche-toi, au lieu de geindre ! répliqua sèchement la Sentinelle. Fais-le au moins pour Yumi, qu'elle ne soit pas partie à l'autre bout du monde pour rien !
Ils avaient raison. Comment a-t-il pu être aussi égoïste ? Furieux contre lui-même, Ulrich se raccrocha à ce qui lui restait de volonté et se força à rester éveillé. Au bout d'un instant, quelque chose parut se briser en lui. Sa douleur ! Elle se calmait ! Soulagé, il soupira. Il pouvait de nouveau respirer sans problème. Mais jamais il ne s'était sentit si faible.
- Les attaques répétées de XANA ont trop fatigué ton cœur. Aujourd'hui, c'était la goutte d'eau qui a fait déborder le vase. Maintenant, essaie de te reposer.
- Alors, dites-leur de s'taire et d'me laisser tranquille !
Aramis sourit. "S'il se met à râler, c'est que ça va mieux" pensa-t-elle.
- [i]Maintenant, tu vas rester. Nous pouvons te laisser dormir. Mais nous serons avec toi. Nous veillerons.[/i]
Lorsque Yumi rouvrit les yeux, elle fut surprise de se sentir aussi fatiguée que si elle avait passé plusieurs nuits blanches. Ellou était à côté d'elle, piétinant furieusement le sol comme un taureau. En se redressant sur les coudes, elle découvrit qu'elles étaient encerclées par une meute de loups. Ils étaient si proches qu'elle pouvait voir, malgré la faible luminosité, leurs langues rouges passer sur leurs babines dégoulinantes de bave, et les côtes qui saillaient sur leurs flancs. Pour le moment, ils n'attaquaient pas, le talisman les en dissuadait. Mais Yumi savait que, tôt ou tard, la faim l'emportera sur la peur.
Elle essaya de se lever, mais fut saisie de vertiges et s'effondra dans la neige. Les loups s'agitèrent. Yumi lutta contre le sommeil qui montait en elle. Elle finit par y sombrer malgré elle.
Elle se réveilla une première fois. Les loups avaient disparu. Ellou était tout près d'elle, frottant son nez contre son visage.
- On me ramène à Luskan, dit la jument. Toi seule va continuer.
Yumi sentit de petits bras la soulever avec délicatesse et l'installer sur quelque chose d'assez inconfortable. Puis l'air se mit à vibrer autour d'elle, comme brassé avec force. Avant de se rendormir, elle entendit le hurlement de chasse de la meute dépitée, affamée, qui partait à la recherche d'une nouvelle proie.
À son deuxième réveil, la première chose qu'elle vit fut les gracieuses ondulations célestes de l'aurore boréale. Ce spectacle la ravigora, mais elle ne comprit pas tout de suite ce qui s'était passé. En se relevant, elle réalisa qu'elle n'était plus dans la plaine enneigée, mais au sommet d'une colline entourée d'immenses montagnes aux cimes déchiquetées, face à un jardin clos de murs. Des branches dépassaient, et les feuilles s'irisaient de nuances vert, bleu et rose suivant les soubresauts de l'arc-en-ciel de nuit.
- Cet endroit ressemble beaucoup à celui que j'ai vu dans mes visions.
Un bruit sourd retentit dans son dos. Yumi fit aussitôt volte-face et, d'un geste vif, dégaina son épée et pressa le tranchant de sa lame contre la gorge de l'intrus. Elle lâcha une exclamation en voyant qu'elle menaçait... Skandranon. Elle rengaina immédiatement son arme.
- Tu m'as fait peur, lui dit-elle en le grattant derrière l'oreille. C'est pas sympa.
Le griffon roucoulait de plaisir. Puis il s'écarta lentement, comme à regret, et saisit délicatement le poignet de la japonaise pour l'entraîner vers le jardin. Ils firent presque tout le tour du mur avant de se retrouver devant de hautes grilles en or qui s'ouvrirent d'elles même, pivotant sans bruit sur leurs gonds. Une grande fontaine lumineuse, dont l'eau coulait avec un doux bruissement, se dressait au milieu du jardin. La lumière qui en émanait, combinée avec celle de l'aurore boréale, donnait à ce lieu un air enchanteur. À droite de la fontaine, posé sur le sol, se tenait un immense aigle doré à tête blanche. Un disque jaune-orangé et un Uraeus ornaient le haut de son crâne.
- Soit la bienvenue dans le jardin d'Héliopolis, Yumi Ishiyama. Je t'attendais.
"Cette voix... C'est celle que j'ai entendu pendant l'épreuve du Feu !"
- Qui... qui êtes-vous ?
- Je suis Râ, le dieu du soleil, répondit l'Aigle. Il était temps que tu arrives, belle enfant. Ton aimé est trop affaiblit pour survivre à une nouvelle attaque de l'Entité, et mon Isis n'a plus assez de forces pour la repousser.
- Isis ?
- Ma fille. La jeune femme que tu as libéré de l'Entité.
Sur ce, il prit dans son bec deux petites fioles et vint les déposer dans les mains de la jeune fille abasourdie.
- La fiole scellée à la cire rouge est pour ma fille. L'autre est pour le garçon. Maintenant hâte-toi, car si son cœur s'arrête, le tient fera de même.
- Que... quoi ?
- Vos sentiments ont fait fusionner vos cœurs. L'un ne peut battre sans l'autre, comprends-tu ce que cela implique ?
Yumi leva les yeux vers le dieu, une expression horrifiée sur le visage. Craignant de réagir trop tard, elle courut vers Skandranon.
- À Luskan !
Sitôt que Yumi l'eut enfourché, le griffon décolla et fila vers le Sud. Ils passèrent un étroit défilé, puis débouchèrent sur une vaste vallée entourée de montagnes, composée de nombreux geysers et de sources chaudes. Un grand lac arborant les couleurs de l'arc-en-ciel trônait fièrement à la sortie du goulet.
Skandranon vola à un rythme d'enfer durant cinq jours, sans se poser une seule fois. Yumi, quant à elle, essayait de mettre de l'ordre dans son esprit chamboulé.
Le matin du sixième jour, ils avaient atteint la ville de Luskan. Skandranon descendit en un long vol plané, et atterrit au petit galop dans la grande cour. Yumi sauta aussitôt de son dos et fila vers le château, serrant les fioles contre elle, puis entra dans la chambre d'Ulrich. Il était resté tel qu'elle l'avait vu avant de partir, si ce n'est son visage plus pâle et émacié que d'ordinaire ; il tenait dans une main l'un de ses évantails. La Sentinelle, affalée dans un fauteuil, lui fit signe d'approcher.
- Yumi... murmura Ulrich.
Entendre sa voix si faible brisa le cœur de la jeune fille. Il semblait à l'article de la mort. Essayant de retenir ses larmes, Yumi déboucha l'une des fioles, aspira quelques gorgées et les laissa couler dans la gorge du jeune homme. À peine eut-elle détaché ses lèvres de celles d'Ulrich qu'elle le vit sourire et laisser retomber sa tête sur l'oreiller. Il sombra aussitôt dans un profond sommeil, sans l'aide des sédatifs dont il dépendait tant.
Sur Terre, XANA hurla de rage lorsqu'il comprit que sa proie venait de lui échapper. Les possédés et les monstres, terrifiés, se cachèrent, espérant que la fureur de leur maître sera brève.
Yumi tendit la deuxième fiole à la Sentinelle qui la vida d'un trait.
- Vous me devez quelques explications... déesse Isis.
- Je sais... soupira l'interpellée. Puisque tu connais la vérité, je vais tout te raconter. Il y a longtemps, alors que je passais par la Vallée-d'entre-les-mondes, j'ai vu une nouvelle mare se créer. En y entrant, je me suis retrouvée sur Lyoko. Je découvrit vite qu'il était relié à un autre, et c'est là que je fis la connaissance de Franz Hopper et de sa fille, Aélita. Mais au fil du temps, je sentais qu'une entité malveillante se développait au sein du monde virtuel. Je voulais en parler à Franz, mais il avait disparu avec Aélita. C'est en voulant les retrouver que je suis tombée dans un piège. XANA me vola une part considérable de mon énergie et m'enferma avec mon griffon dans la mer numérique. Mon père et mon fils eurent vent de ma situation, mais ne pouvant intervenir eux-même, ils amenèrent dans la prison des sources élémentaires. Hélas, XANA veillait... Tandis qu'il était occupé à tendre des pièges, avec le peu de force qu'il me restait, j'ai éteint le supercalculateur. Pendant longtemps, j'ai empêché XANA de le rebrancher, mais à chacune de ses tentatives, je m'affaiblissais davantage. Et lorsque Jérémie le ralluma, je ne pouvais plus rien faire...
Un lourd silence chargé de remords plana un moment dans la pièce. Yumi comprenait ce que devait ressentir la déesse, mais l'atmosphère la mettait mal à l'aise. Elle décida donc de changer de sujet.
- Et Jérémie, Aélita et Odd, vous les avez retrouvé ?
- Bien sûr. Ils t'attendent dans le salon, au rez-de-chaussé.
Yumi sortit de la chambre, non sans avoir au préalable promis à Ulrich de revenir. À peine eut-elle ouvert la porte de la pièce, qu'elle entendit une voix féminine crier son nom, puis une tornade aux cheveux rose se jeta dans ses bras.
- Doucement, Aélita !
- Désolée !
- Salut Yumi, dit Jérémie. Content de voir que t'es entière. Et Ulrich, il va bien ?
- Il faut attendre, répondit la japonaise.
- Hello princesse ! lança Odd d'une voix enjouée. Alors, tu t'es bien balladée ? Tu nous raconte ?
- À condition que vous me racontiez d'abord votre histoire, rétorqua Yumi en souriant.
Ce fut Odd qui eut ce privilège, et Jérémie trouva qu'il en rajoutait un peu trop à propos de sa participation sur Terre au test du vaccin. Il rougit d'embarra en voyant Yumi se tourner vers lui et dire :
- Mais qu'est-ce qui t'as pris ? Tu sais bien que c'est pas ton truc, le terrain !
- Je te rassure tout d'suite, je n'y suis allé qu'une fois !
- Faut dire que la graine de génie ne servait pas à grand-chose : elle ratait un possédé à trois mètres dans un couloir !
- Ooooodd... fit Jérémie, menaçant.
- Ben quoi... j'dis c'qui est !
Cette réflexion lui valut un gros coussin en pleine figure.
- À ton tour Yumi, dit Jérémie en se frottant les mains. Je crois que l'amuseur public a une extinction de voix.
Yumi, qui avait beaucoup de mal à se retenir de rire, raconta son voyage et ce qu'elle a découvert au sujet de la Sentinelle. Quand elle eut fini, ses amis la fixaient avec des yeux éffarés.
- Alors... cette femme que papa avait rencontré après la disparition de maman... souffla Aélita, c'était une... déesse...
- Je comprends pourquoi XANA avait mis ce sixième territoire sous haute protection, dit Jérémie. Il a dû en baver avant de réussir à la vaincre.
- Pour une fois que c'est lui qui en a vu des vertes et des pas mûres..., rétorqua Odd.
Une semaine plus tard, il ne faisait plus de doute qu'Ulrich allait de mieux en mieux. Deux semaines passèrent et il put se lever, mais aussi maladroitement qu'un bébé qui tente de faire ses premiers pas. Ankylosées par une trop longue immobilité, ses jambes refusaient de le porter.
- Il est encore très faible, dit Isis. Il vaudrait mieux qu'il réapprenne à marcher à l'extérieur, qu'il ne se blesse pas.
Ulrich fit donc ses premiers pas dans les jardins du château. Il marcha jusqu'à un bosquet de noisetiers, soutenu par la déesse, et porté par les regards de ses amis. Mais la fatigue eut raison de lui. Il s'assit contre un arbre, haletant, les jambes molles, la tête bourdonnante.
- Tu as bien marché, aujourd'hui, lui dit Yumi en s'installant à ses côtés.
Il tourna la tête vers elle, surpris par le ton si tendre de sa voix. La jeune fille échangea un bref regard avec la déesse ; cette dernière emmena Jérémie, Odd et Aélita ailleurs. Puis Yumi se blottit dans les bras du jeune homme, le visage enfouit dans son cou. Ulrich, dépassé par les évènements, ne savait pas comment réagir.
- Heu... Yumi...
La japonaise se détacha lentement de lui, et plongea son regard dans le sien.
- Chut... souffla-t-elle.
Du bout des doigts, elle effleura les lèvres du garçon ; à son regard, elle comprit qu'il devinait son intention. Elle se rapprocha un peu plus et posa ses mains sur ses épaules ; Ulrich ne bronchait pas, se contentant de la regarder intensément. Elle ferma les yeux, puis l'embrassa. C'est alors qu'elle sentit les bras du jeune homme s'enrouler dans son dos et la serrer contre lui.
- Je croyais qu'on était copain et puis c'est tout, murmura Ulrich.
- Y'a que les idiots qui ne changent pas d'avis, dit Yumi à voix basse. Je crois que j'ai fait une grosse bêtise en cachant mes sentiments. Si j'avais été plus démonstrative...
- Je suis aussi fautif que toi...
Ils échangèrent un regard, puis s'embrassèrent à nouveau, éperdument.
Juchée sur son griffon noir, dans la grande cour, Isis s'apprêtait à partir. Pikadias, intrigué, sortit des écuries.
- Où tu vas ? demanda-t-il.
- Dire aux Maîtres qu'ils ont fini d'attendre.
Skandranon s'élança. Arrivé à l'autre bout de la cour, il sauta sur le parapet et se propulsa dans les airs.
Sur Terre, dans un sombre couloir, un adolescent avançait d'un pas énergique. Les cheveux noirs, l'allure rebelle, aucun doute possible quant à son identité : c'était William Dunbar. Arrivé devant une gigantesque porte, il toqua puis attendit. La porte pivota sans bruit sur ses gonds, dévoilant une pièce aussi sombre que le couloir ; au centre se tenait une silhouette humaine, faite d'une étrange matière bleue ondulante, et encadrée de deux tarentules.
- Où en sont les travaux ? demanda-t-elle.
Sa voix, numérique, avec une intonation féminine, pouvait mettre n'importe qui mal à l'aise ; et William n'y échappait pas. Il déglutit avant de répondre :
- Les esclaves en sont aux finitions, maître. Dans trois ou quatre jours, tout sera terminé.
- Parfait. Tu sais ce qu'il te reste à faire ?
- Oui, maître, et je ne reviendrai pas sans.
- En même temps, retrouve Ulrich, et ramène-le moi. De préférence vivant, mais peu importe l'état.
- Avec joie, maître.
William s'inclina bien bas et sortit.
À suivre.....
[b]note de l'auteur[/b] : les filiations des dieux ont été volontairement modifiées pour mieux coller à l'histoire.