Hors du temps

Chapitre 1 : Oublier
Ils arrivèrent devant les hauts bâtiments du collège-lycée Kadic.
-C'est là ?, questionna la première des deux jeunes personnes.
La seconde ne prit même pas la peine de répondre et entra, suivie de son compagnon. Ils marchèrent au hasard dans la cour en observant les bâtiments jusqu'à apercevoir six adolescents.
De loin, on voyait trois garçons dont un blond qui portait des vêtements violets et une coupe pour le moins extravagante, un brun avec des habits de tons verts, un ténébreux avec des cheveux noirs de jais, et une fille avec des cheveux rose flashi et des vêtements du même goût. Ils s'approchèrent d'eux.
Le premier avait des cheveux blond et des yeux marrons, une veste rouge, noire et blanche accompagnée d'un jean bleu. Il avait des écouteurs dans les oreilles.. La seconde avait des cheveux blonds si clairs qu'ils étaient presque blancs, des yeux bleus, une veste blanche avec un T-shirt noir, et un jean de la même couleur. Ils portaient tous les deux des pendentifs argentés qui rappelaient celui avec lequel XANA les avait piégés le jour de la Saint-Valentin, deux ans plus tôt.
-Bonjour, salua la jeune fille. Vous savez où est l'administration ?
-Bien sûr, je peux même t'accompagner, si tu veux, minauda l'excentrique.
-Incorrigible, soupira le brun, puis, s'adressant aux deux nouveaux, vous entrez dans ce bâtiment et c'est à droite.
-Merci, répondit la jeune fille, au fait, je m'appelle Céleste.
-Divine, fit l'excentrique dans ses pensées.
-Non, Céleste !
Ulrich esquissa un sourire.
-Bien essayé, Odd ! Moi, c'est Ulrich.
Il fit les présentations du reste du groupe, puis Céleste présenta son camarade.
-Euh, jusqu'à preuve du contraire, il me semble que c'est un garçon, s'étonna Odd.
-Loup, fit ce dernier en retirant ses écouteurs, pas Lou ! Avec un "p" à la fin.
-Euh, jusqu'à preuve du contraire, il est humain, non ?
-Odd, par pitié, intervint Aelita.
-Oh, je déteste ce prénom..., se plaignit le visé.
-Bon, on doit y aller, on pourra peut-être étudier son cas une autre fois !, conclut Céleste en tirant Loup par le bras.
-Hé !
Céleste l'ignorant, il ne prit pas la peine de finir sa remarque et se laissa entraîner vers le bâtiment administratif.
-Pour un loup, il m'a pas l'air bien féroce, elle l'a dompté, ironisa Odd en souriant.
-Tu ne vas pas pouvoir t'empêcher de lancer des vannes sur son prénom, je suppose ?
Il fit semblant d'hésiter longuement.
-Faudrait me payer, lâcha-t-il.
Il arracha un sourire aux membres de la bande. Après un moment, ils décidèrent de bouger.
-Bon, vous venez ?
-Faire quoi ?
-Je sais pas... On a un aprèm' de libre, on pourrait aller en ville, proposa Aelita.
-Sans moi, plomba Ulrich.
-Pourquoi ?
-Je dois réviser.
-Hé ! Après Yumi et Jérémie, tu ne vas pas nous faire le même coup ?! On croirait entendre ton père !, s'emporta Odd.
Ulrich ne répondit pas et se dirigea vers les dortoirs.
-Lui, il va entendre parler de m|
-Non, Odd, le stoppa Aelita, laisse-le. Si c'est ce qu'il veut...
Il renonça à le suivre.
-Bon, on y va, en ville ?, demanda William.
Un ange passa.
-Désolé, je dois aller voir Jérémie.
-Hein ?!
-Je vais faire un tour dans le parc...
-Mais ?...
Ils le laissèrent seul. William se leva. Pourquoi était-il seul à nouveau ? Pourquoi le groupe se disloquait-il ? Était-ce XANA qui maintenait leur amitié ? Il ressassait ces questions depuis sa disparition. Une impression de flottement le prit. Il jeta un coup d'oeil autour de lui, mais chassa vite son accès de paranoïa.
-Je crois que je vais aller dans le parc, moi aussi, marmonna-t-il pour lui-même.
Une fois dans le calme de la forêt, les trois questions recommencèrent à le tarauder. Il envoya un message à Yumi. Elle lui répondit par la négative. Il alla donc s'asseoir dans un coin du parc. Là, personne ne le trouverait, il pourrait ruminer en paix comme il préférait le faire. Il s'assit tranquillement mais fut traversé une nouvelle fois par cette sensation de courant d'air. Il se leva immédiatement, sur le qui-vive, et resta un moment à regarder autour de lui en se convaincant qu'il était devenu parano. Il se rassit et put, cette fois, broyer du noir en silence.
-Désolée, William, murmura-t-elle tout bas en envoyant sa réponse. Mais rester avec vous...
«... ça me fait trop mal.» termina-t-elle dans sa tête. Elle croyait que ses amis l'aideraient à surmonter ses souvenirs amers de XANA, mais ils ne lui rappelaient que trop cette époque. Alors, elle avait pris la décision de ne plus les voir... même si cela impliquait quelques sacrifices personnels. Le visage d'Ulrich lui revint en mémoire. Non ! Pas lui ! Elle ne devait pas retourner vers eux, sinon elle souffrirait encore plus. De tout manière, c'était un hypocrite incapable d'avouer des sentiments dont il n'était même pas sûr !... Du moins, c'est ce dont elle essayait de se convaincre, mais n'y arrivait pas le moins du monde. Elle frappa la table pour chasser Ulrich de son esprit et se concentra sur ses révisions.
-Merci, au revoir !, salua Céleste.
-Au revoir, termina Mme Weber.
Ils sortirent du bureau et ne trouvèrent le bon bâtiment qu'après trois essais. Ils se dirigèrent vers les dortoirs puis se séparèrent à l'étage.
Céleste entra dans sa nouvelle chambre et commença à s'installer quand Aelita arriva dans son dos.
-Salut Aelita !, lâcha Céleste avant de se couvrir la bouche d'une main.
-Comment tu sais ça ?, s'étonna Aelita.
-Je... euh... je, c'est..., chercha-t-elle, Mme Weber qui me l'a dit !
Aelita fronça les sourcils sans commentaire.
-Tu veux que je t'aide?
-Ce ne serait pas de refus.
-...Dis, tu es la seule fille avec eux ?, relança Céleste après un silence.
-Non... enfin, presque. Il y avait Yumi, avant, mais depuis la rentrée, on ne se voit plus.
-Ah... et pourquoi ?
-Je ne sais pas. Je crois qu'elle veut se concentrer sur ses révisions.
Elles terminèrent de ranger les affaires de Céleste puis cette dernière descendit pour voir où en était Loup. En entrant dans sa chambre, elle vit William.
-Cool, vous vous connaissez déjà !
-Et toi, t'es tombée avec qui ?
-Aelita.
-Je plains la prochaine interne qui débarquera ici, insinua William.
-Pourquoi ?
-Parce que la seule chambre libre restante est celle de Sissi.
-La fille du proviseur ?, questionna Loup avant de se prendre un coup de coude de la part de Céleste.
-Comm|
-Non, non, c'est rien, s'étrangla Céleste, on...
-...l'a juste croisée dans les couloirs, ajouta Loup.
William les gratifia d'un regard suspicieux mais décida de passer l'éponge. Ils finirent d'installer Loup puis descendirent. En bas, ils trouvèrent Odd, Aelita et Jérémie.
-Tiens, Jérémie, c'est pas souvent que tu nous honores de ta présence, grinça William.
L'atmosphère sembla s'écraser sur les six adolescents. Aelita fit les présentations. Loup serra sa main et Jérémie sentit une vague d'énergie le traverser. Céleste envoya un regard glacial à Loup pendant que Jérémie s'interrogeait sur le phénomène. Il finit par se convaincre que c'était une illusion.
-Bon, faudrait pas manquer de leur présenter Rosa, non ?, se risqua innocemment Odd.
-C'est bon, on sait que t'as faim, soupira Aelita. Allez, venez !
Ils se rendirent donc au self. Une fois assis à table, ils commencèrent à parler des cours et à dresser le tableau des profs à Loup et Céleste. Odd, imitant Jim, projeta accidentellement son verre au sol. Ils furent pris d'une impression de flottement qui agaça William ; Loup reposa le verre sur la table qu'il venait de rattraper à quelques centimètres du sol, ce qui lui valut un nouveau coup de coude. Les Lyokoguerriers s'interrogèrent du regard pendant que Loup se plaignait. Ils finirent leur repas en silence puis montèrent dans leurs chambre. Loup et Céleste restèrent seuls.
-Qu'est-ce qui t'a pris ?! T'es pas bien ?!, s'emporta-t-elle.
-C'est bon, c'était un réflexe, et puis t'aurais fait pareil à ma place !, protesta-t-il.
-Non ! Je suis assez consciente de mon entourage pour contrôler une envie de traverser le temps, moi !
-Chut ! Mais ça va pas la tête ?! Imagine qu'on nous entende, raisonna Loup.
-Désolée... n'empêche, tu pourrais essayer de faire un peu plus attention aux autres au lieu de t'enfermer dans ta bulle. Tu vois ce que ça donne, après !
-OK, j'ai compris !
-Ne crois pas t'en ti|
-Je vais me doucher. Je ne suis pas sûr que tu aies envie de me suivre.
Elle fit une grimace dégoûtée puis abandonna, espérant seulement qu'il ne ferait pas encore des siennes.
Aelita se coucha face au plafond et se perdit dans la faible lumière de l'ampoule de sa chambre. Sa visite chez Jérémie s'était, comme d'habitude, mal passée. Elle avait, comme d'habitude, remit sur le tapis l'habituel sujet de leur amitié. Ils s'étaient, comme d'habitude, disputés. Et, pour la première fois, elle s'interrogeait sur la façon dont elle devait prendre les choses. Devait-elle laisser Jérémie à ses soi-disantes études et rester avec ses amis qui la comprenaientt, quitte à faire du mal à lui comme à elle, ou bien rester avec Jérémie et risquer de perdre Odd et William voire Ulrich, si elle ne l'avait pas déjà perdu. Sa vie lui parut être un puzzle. Un puzzle monté pièce par pièce pendant deux ans qu'elle aurait fracassé par terre en éteignant le Supercalculateur.
Ulrich ne parvenait pas à dormir. Même avec trois boules quiès enfoncées l'une sur l'autre dans les oreilles, même sans les ronflements d'Odd, l'image de Yumi lui apparaissait dès qu'il fermait les yeux. Il avait l'impression de se retenir à une branche, au-dessus du vide. Une branche ébréchée par un premier coup de marteau ayant résonné comme "Copains et puis c'est tout!", achevée par un second coup, un coup de vent, silencieux, passé derrière Yumi quand elle leur avait dit qu'ils se verraient moins souvent. Et maintenant, il tombait... tombait... et, comble du malheur, il avait le vertige.
Le lendemain, William dû déployer tous ses efforts pour tirer Loup du lit.
-T'es pire qu'Odd, toi !
-Nuance !!, s'exclama ce dernier en se levant d'un coup, au garde-à-vous, faisant sursauter William. Je me réveille difficilement, mais rapidement !
-Mouais, fit William peu convaincu.
Une fois en bas, ils rejoignirent les autres et virent Yumi.
-Salut Yumi, tu es sortie de ta tanière ?, blagua William.
-Très drôle, William.
Les amis firent les présentations puis Yumi partit en bredouillant une excuse incompréhensible. Ulrich soupira bruyamment.
-C'est qui ?, demanda Loup.
-Sa cop|
-Une amie..., coupa Ulrich.
Sans plus de parole, ils allèrent manger, sauf qu'Ulrich et Jérémie partirent entre temps. Ce fut au tour d'Aelita de soupirer.
-Mais c'est quoi, l'embrouille ?
-Ils disent vouloir réussir leur seconde... passe encore pour Ulrich et Yumi, mais Jérémie a 19 de moyenne, alors..., se désespéra Aelita.
-Pourquoi ils restent avec vous, alors ?
Un long silence s'en suivit, brisé par le son mat d'un coup de pied sous la table.
-Aïe, Céleste !
-Le..., commença-t-elle en s'approchant de son oreille, TACT !!!
Loup tomba de sa chaise sous le coup de l'étonnement. Tout le self éclata de rire.
-Je voulais dire, pourquoi ils vous ont lâché, comme ça ?
Personne ne répondit ni ne se donna la peine de le corriger. Lorsqu'ils sortirent, Céleste glissa un mot à Aelita et elles partirent plus loin.
-Qu'est-ce qu'elles ont ?
-Une envie de papoter entre filles, supposa Odd. Ça nous permettra de parler entre mecs.
-Si on omet ta voix de fillette, ça devrait aller, Odd, piqua William.
-Hé ! La tienne est tellement grave qu'on croirait que tu te dopes aux hormones !... Bref, Loup, combien t'as eu de copines ?
-Et c'est à moi qu'on parle de tact, soupira ce dernier.
-D'où tu viens ?, rectifia William.
-De loin, éluda-t-il.
-Mouais, ben c'est pas comme ça qu'on va mieux te connaître.
-Pourquoi Yumi s'est séparée de vous ?
-Je ne sais pas, mentit Aelita. Peut-être qu'elle en avait marre de sa relation par intermittences avec Ulrich.
-Elle sortait avec lui ?
-Pas officiellement...
-Bon, à toi, maintenant. Qui aimes-tu ?
-Jé... euh... je... euh... personne, rougit Aelita.
-J'ai touché un point sensible, je crois, triompha Céleste.
La sonnerie soulagea Aelita de la perspective d'un interrogatoire. Ils allèrent en cours d'histoire.
En plein cours, un élève lança un avion en papier depuis le fond de la classe. Loup, sans se retourner, saisit ses ciseaux et embrocha le projectile en plein vol, obtenant un énième coup de coude dans les côtes au passage.
Aelita commençait à se poser des questions. Qui étaient ces deux-là ? Ils n'avaient pas l'air faits pour s'entendre, et pourtant... Ils possédaient des dons étranges, aussi, elle en était convaincue. Elle allait devoir élucider ça. Mais pour l'heure, cours de volleyball.
Ils commencèrent une demi-heure après le début du cours, temps pris par l'éloge de Jim sur la noble discipline qu'était le volley.
-Odd, observe Céleste, chuchota Aelita.
-Pourquoi ça ?
-Je crois qu'elle et Loup ont des... dons.
-Tu deviens comme ton Jérémie, princesse... parano.
Elle rosit un peu puis se mit à espionner Loup le plus discrètement possible. Au bout d'un moment, elle remarqua qu'il rattrapait toutes les balles et savait vraisemblablement où elles allaient atterir. Peut-être jouait-il au volley ? Non. Il reprenait les balles, certes, mais ne les renvoyait dans le camp adverse que très aléatoirement. Elle commença à s'interroger sur ce don lorsque... elle prit un ballon sur la tempe et s'écroula.
-Aelita, ça va ?!, s'inquièta Jérémie.
-Oui... je... je crois que ça va...
Ils rougirent ensuite tous les deux en se rendant compte de la proximité de leurs visages.
-Et alors ?! On rêvasse ?, intervint Jim.
-Désolé, m'sieur, s'excusa Théo avec le ballon dans les mains, j'ai servi un peu trop fort...
-Bon, pas grave, à l'infirmerie, on ne sait jamais ! Et au pas de course !
Jérémie et Aelita le regardèrent bizarrement puis partirent à l'infirmerie.
-Jérémie, tu ne les trouves pas étranges, les nouveaux ?, s'enquit Aelita une fois loin du gymnase.
-Non... enfin, peut-être... je ne sais pas. C'est vrai que c'est pas commun de rattraper un verre qui tombe, mais c'est pas une raison...
-Ce n'est pas ce que je veux dire. Hier, je suis rentrée dans ma chamre et Céleste m'a reconnue sans me voir.
-Après XANA, on est tous un peu paranos, je crois.
-Qu'est-ce que vous avez tous avec la paranoïa ?
-On verra ça plus tard, Aelita.
Jérémie la laissa à l'infirmerie et repartit en songeant à la question de leur amitié, cette question qu'Aelita s'obstinait à poser. Sans XANA, il se sentait moins proche d'eux. Ils n'avaient presque rien en commun, sauf cette aventure, mais lui n'était jamais allé sur Lyoko. Et il s'éloignait des autres. De toute manière, toutes les bonnes choses ont une fin. «Mais pas les mauvaises...» lui souffla sa conscience avec ses agaçantes intonations angéliques. Il chassa cette idée de sa tête. Finalement, le "temps de XANA" avait peut-être eu quelques bon côtés...
Au fait... quand je saute une ligne, c'est qu'on change d'endroit mais pas de moment. Par contre, ceci est une ellipse :
-Phaenomen d'Erik L'Homme
-Artemis Fowl d'Eoin Colfer
-CHERUB de Robert Muchamore
-Gone de Michael Grant