Ce n'est pas l'avis d'Epicure. Allez, citations : Lettre à Ménécée (ça fait une vingtaine de pages à tout casser, et c'est très intéressant, c'est l'un des deux seuls écrits originaux d'Epicure, le reste de ce que l'ont sait sur lui nous vient de Lucrèce, ou bien d'Aristote par exemple).
Il existe donc des désirs vains, et des désirs naturels, et parmi ces désirs naturels, certains sont nécessaires (manger, boire, dormir, ...et philosopher !) d'autres sont naturels seulement. Nous devons par ailleurs choisir nos désirs en fonction du bien qu'ils nous procureront et
surtout de leur capacité à nous mener à la santé du corps (l'ataraxie) et de l'âme (l'ataraxie), le bonheur quoi. C'est "la perfection même de la vie heureuse". Regardez dans la lettre, il s'agit du neuvième paragraphe.
Par la suite, Epicure explique que recherche l'ataraxie et l'aponie passe obligatoirement par la recherche du plaisir
durable. C'est sur ce mot durable qu'il est nécessaire d'insister, parce que faire passer Epicure pour un gros hédoniste de base qui recherche le plaisir à tout prix serait un contre-sens. Non, Epicure utilise l'axiologie, afin de mesurer quels plaisirs peuvent contribuer au bonheur durable, et quels plaisirs, associés aux désirs
vains décrits plus haut nous mènent à un bonheur temporaire qui conduit à la souffrance (le plus détestable des maux) par son caractère temporaire même, ou tout simplement par nature (consommer des drogues qui détruisent le cerveau, ça fait triper, mais par nature, tu prend cher après).
Bref, appliquons, comme le suggéra Lucrèce après (je n'invente rien, et je ne lis pas Epicure pour servir des propos hédonistes et libertins à outrance ^^) au sexe et à l'amour. L'amour, et c'est là qu'on peut rejoindre ce que tu pens(ais), Darinas, est un désir vain. En effet, il conduit bien souvent à la souffrance, souffrance qui doit être évitée à tout prix afin d'atteindre l'aponie et l'ataraxie. Inutile d'expliquer pourquoi (ruptures, craintes d'être trompé, toussa toussa, c'est bateau).
Le plaisir simplement sexuel, sans faire trop intervenir les sentiments qui - dans ce domaine - nous conduiraient à la souffrance, c'est associé à un désir naturel. Il n'y a aucune souffrance engendrée par le simple plaisir sexuel, vous en conviendrez. Nous sommes là en plein dans un désir naturel : un plaisir saint, n'engendrant pas de souffrances par la suite. Qui plus est, ce n'est pas un petit plaisir, mais ce qu'il y'a de plus naturel et de plus jouissif.
Penchons-nous sur le cas du viol, que tu as cité à deux reprises, Darinas. Le viol, c'est associé à un désir vain. Le violeur peut retirer du plaisir dans le viol (simplement du plaisir sexuel, ou bien le plaisir plus pervers de dominer et d'infliger des souffrances à autrui). Mais, malgré le plaisir retiré, le viol n'est pas un acte de sagesse, puisque la souffrance arrive ensuite : culpabilité, crainte d'être trainé en justice, crainte que la victime ne parle. Cela fait tout un tas de souffrances, qui nuisent à l'aponie et à l'ataraxie.
Penchons-nous à présent sur la victime, dont tu voulais certainement plus parler. Le débat là n'a pas lieu, être violé n'est pas un désir, il n'apporte donc pas de plaisir. Tu peux qualifier ça de sexe, mais le mot n'est pas approprié : il n'y a aucun désir de la part de la personne violée, ce n'est donc pas de cela dont je parle, je parle bien de relations entre deux (ou plus, héhé
...ou moins pour ceux qui s'emmerdent sévère) personnes voulant satisfaire des désirs naturels (on voit bien ici que le mot 'naturel' n'est pas choisi au hasard). Il n'y a pas de "sexe" au sens où je l'entend sans désir.
A présent, avant de terminer, j'aimerai simplement repasser sur la figure de l'ami, dont parle Aristote, en adéquation avec les idées d'Epicure (encore lui, décidément). Cette figure de "l'ami" au sens noble du terme (et non pas au sens du substantif moderne de l'ami, pote, même un très bon pote) serait la seule exception qui associerai le désir sexuel et le sentiment d'amour. Là encore, développer là dessus prendrait encore pas mal de temps. Mais cet ami serait celui pour qui on pourrait tout donner, tout sacrifier, y compris sa vie, et ce sans que cela nuise à notre bonheur (ataraxie, aponie). Je sais, c'est un peu cucu là comme ça, mais quand c'est Aristote qui en parle, c'est direct plus classe, et il explique comment tout sacrifier, tout donner, etc... , à quelqu'un peut ne pas nuire à notre bonheur (c'est difficilement croyable, surtout compte tenu de ce que raconte Epicure, mais une fois lu, on ne peut que se ranger à ses arguments. Le vécu compte peut-être aussi).
Bon, après je ne me fais pas passer pour un
Epucrien, encore moins pour un expert d'Epicure, simplement, je trouve sa thèse très intéressante, et convaincante. Ce mode de vie, que je mène un peu (et dis comme ça, je passe pour un libertin pervers primaire...merde ^^) me semble en totale adéquation avec l'aponie et l'ataraxie. C'est vrai quoi, j'ai pas vraiment l'air malheureux, non ?